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Le Kéné

Le port du burnous a été général en Afrique du Nord, chez les citadins et surtout dans les campagnes, aussi bien chez les berbérophones que les arabophones mais Ibn Khaldoun, parlant des Maghrébins de son époque, dit qu’il est le vêtement porté par les Berbères.

Etymologie et origines

Le nom du burnous pourrait dériver du latin burrus/byrrhum ou birros en grec et désigne une cape de couleur brune. Le nom est connu aussi bien de l’arabe que du berbère. Les Kabyles et les Mzabites désignent ce vêtement sous le même nom : abernus. Il existe de nombreuses dénominations différentes du burnous dans le Maghreb ce qui peut faire douter de son origine latine. Il est néanmoins retrouvé dans les textes saints. Son origine reste difficile à dater et son étymologie est complexe. Elle pourrait provenir d’une dichotomie entre deux populations de berbères distinctes lors des conquêtes arabes, les Branès et les Botr. La désignation des Branès proviendrait de leur vêtement long et rêche, le burnous (pl. de Branès). Il s’agirait de berbères chrétiens ou païens sous le règne romain. Le burnous serait donc une appellation pour désigner à la fois un vêtement mais aussi une population.

Location : Pérou

Type : Arts et métiers

Date : 31/01/2024

Auteur : Yannis Achour

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Photo colorisée datant du XXe siècle d'un homme portant un burnous.

Usage et tissage

Le burnous est une cape ample, descendant jusqu’aux pieds et munie d’un capuchon. Elle est fermée par la poitrine par une couture (sader) longue d’une main et permet de le porter sans agrafe ni bouton. ll requiert pour sa fabrication, pas moins de 3 toisons de laine. Autrefois, le burnous des temps froids était laissé tremper dans de l’huile d’olive un mois durant, jusqu’à ce qu’il se tienne raide debout, avant d’être lavé et séché. Ainsi traité, il était rendu imperméable, et cette épaisse couverture était un rempart efficace contre le vent, le froid, la pluie comme la neige. La couleur du burnous provient de la laine pure du mouton ou brune de chèvre et de dromadaire. Il peut également être teint.

Le burnous est un savoir-faire féminin. Les femmes apportent un soin particulier au tissage de ce vêtement qui prolonge la protection du foyer familial sur les hommes lors de leurs déplacements à l’extérieur. Dans la maison traditionnelle, le métier à tisser était monté verticalement le long du mur éclairé (tasga), face à la porte, et placé sous la protection des « gardiens » (aâssas/iâssassen). L’on en détournait les mauvaises influences par certains rites accomplis à différents moments du travail en évitant de le traverser, de s’endormir près de lui, comme de tisser longtemps de nuit.

Selon la tradition les femmes ne peuvent ni travailler de nuit ni le vendredi. Le temps de confection du burnous dépend de la durée de la journée (longue l'été, courte l'hiver) et de leur expérience.
Les femmes ne se lèvent pas pour cuisiner ni pour effectuer tout autre travail autre que le tissage devant lequel elles se trouvent. Elles peuvent réunir de la farine, de la graisse, du bois ou du thé et mangeront ensemble. Ses parents ou les voisins viendront assister au montage du métier à tisser, l'aideront, et parfois lui feront la cuisine chaque jour. Ils amèneront un plat de couscous suffisant pour toutes celles qui tissent. Celui ou celle qui ne peut préparer de couscous devra lui amener un pain seul. On ne cuisinera jamais dans la maison dans laquelle le tissage est en cours et ce, jusqu'a la fin de celui-ci.
Les femmes partagent un moment entre elles et mangeront "le repas de la générosité" car elle fait intervenir tout une communauté dans tout le processus du tissage.
Cette entraide est gratuite.

Le montage du métier à tisser s'effectue également à l'aide des parents ou des voisins. On s'offre un composé de fèves grillées, de miettes de fromage dur, de petits pois grillés, des dates et des sucreries ainsi qu'un morceau de viande séché.

Ces différents rituels permettent de se protéger du mauvais oeil et d'y poser une augure sur le travail à effectuer.

Aujourd'hui, ces traditions restent ancrées mais dans une moindre mesure. Néanmoins, ces moments de partages permettent encore aux femmes de créer un espace qui leur appartient où la générosité et le don de soi sont indispensables.

Le colonialisme d'hier et ses vestiges d'aujourd'hui

Les peuples indigènes étaient aussi distingués en fonction de leur tenue vestimentaire.

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1er régiment de spahis français lors d'une cérémonie du 14 Juillet.

L’expression faire suer le burnous était répandu dans les pays du Magrheb à l’époque coloniale. Faire suer le burnous » signifiait de faire travailler les populations indigènes, parfois forcées.  Le burnous, tissé sur place, est ensuite emprunté par les spahis, une unité d’infanterie, initialement formée sous l’empire Ottoman puis sous commandement de la France après la colonisation de 1830. Il est ensuite utilisé par les indigènes pour leur fonction administratives et publiques.

« Le terme français "Spahi" est dérivé d'un mot turc ottoman d'origine persane : "sipahi", qui signifie "cavalier". Les spahis étaient des régiments de cavalerie légère de l'armée française recrutés parmi les populations arabes et amazighes vivant dans les colonies françaises d'Afrique du Nord, notamment l'Algérie, la Tunisie et le Maroc. Ils étaient connus pour leur équitation experte et leurs uniformes distinctifs.

Ces régiments ont commencé à soutenir l'armée française au milieu du XIXe siècle lorsque la France a étendu sa colonisation de l'Afrique du Nord. L'armée française a augmenté le nombre d'unités Spahi pendant la Première Guerre mondiale, d'abord pour servir sur le front occidental en tant qu'éclaireurs, troupes de choc et escortes. Cependant, les tactiques offensives agiles des Spahis ont été rendues inefficaces avec la sombre réalité de la guerre des tranchées. Par conséquent, l'armée française a déplacé des régiments de spahis sur les fronts de l'Empire ottoman et des Balkans.

Les sept unités de Spahis ont combattu pendant la guerre. L'armée française décerne à plusieurs régiments – dont le 1er régiment de spahis marocains – des citations pour service exemplaire. »

Extrait tiré des archives du musée international de la première guerre mondiale. 

Afin de les distinguer au combat, les cavaliers indigènes utilisés par le corps expéditionnaire français sont vêtus d'un burnous vert, couleur symbolique de l'islam.
L'effectif de ces supplétifs croissant et la teinture verte se raréfiant, on adopte le « gros bleu » des uniformes de l'armée française. Les cavaliers arabes refusent ces burnous bleus qu'ils donnent à leurs esclaves dans leurs tribus. Ce refus est motivé par le fait que cette couleur est celle des manteaux des juifs de l'époque. L'intendance se reporte alors sur la couleur garance utilisée pour les pantalons des fantassins. C'est ainsi que le rouge, teinte usuelle des burnous des notables et des cavaliers de grandes tentes, devient la couleur traditionnelle des burnous des spahis algériens.

Aujourd’hui, on retrouve le burnous sur l’avenue des Champs Elysées lors des cérémonies du 14 Juillet.

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Photo d'un caïd au XIXe siècle.

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Spahis algeriens en Artois par Charles Huard. Nov.-1914

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La partie d'échecs. Oran , 1856, Félix-Jacques Moulin.
Épreuve sur papier albuminé d'après négatif sur verre au collodion. Archives nationales

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Spahi, prisonnier de guerre à Halbmondlager. XIXe siècle, WWI
Musée national et mémorial de la Première Guerre mondiale

Appropriation culturelle dans la société civile

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Burnous « drap de bain », court, confectionné fin 19e siècle pour une femme française.

Les créateurs parisiens se sont également emparés des formes et techniques du burnous.

Soit en important directement de productions algériennes soit tissé dans des productions françaises. Il pouvait être directement commandé par les particuliers, comme « drap de bain » ou encore emprunté dans la mode (cf. dessin d’Anaïs Toudouze, artiste-peintre et illustratrice de mode). Le célèbre couturier espagnol Balenciaga dispose dans sa collection personnelle une production française des années 1860/1870. On remarque les différentes influences de broderies d’Iran ou d’Inde par les palmes cachemire (boteh) et motifs floraux. Le burnous inspira également les chefs de guerre comme celui qui appartenait à Napoléon 1er, désormais aux mains des collections britanniques.

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Burnous de Napoleon porté lors des campagnes en Egypte, fin 1790.
Collection royale britannique.

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Un dessin fin du 19e siècle de l’artiste peintre Anaïs Toudouze et aussi illustratrice de mode française.

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Collection personnelle de Balenciaga, burnous en soie, cette fois ci brodé, production française des années 1860/1870.

Le burnous aujourd'hui

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Moi arborant un burnous de laine blanche, à Malmousque, Marseille. Paul Mesnager. Août 2023

Le burnous est également un symbole de paix et de pureté. Cet habit traditionnel a survécu à la modernité et continue d'être un habit prisé dans toute l'Algérie. En plus d’être porté dans les Aurès, en Kabylie ou encore dans les zones steppiques et sur les hautes plaines sétifiennes,. En Kabylie ce vêtement est encore porté dans certains villages du Djurdjura, par les plus vieux sages, mais aussi par des personnes plus jeunes qui veulent le remettre au goût du jour dans un soucis de modernité. Le burnous est encore également arboré lors des cérémonies et fêtes de mariage algériennes

Conçu dans un modèle unique transcendant ainsi les classes sociales, le burnous est, alors, synonyme de sagesse, d'autorité et de pondération.

Lors de ma visite à Tizi-Ouzou (Grande Kabylie) en 2023, j'ai pu me procurer un burnous de laine blanche et rencontrer des femmes tisserandes à la maison de l'artisanat. Les métiers à tisser étaient suspendus en hauteur et les femmes confectionnaient les tissus. Le burnous est un drapé qui n'est pas aisé à arborer. J'ai eu besoin de l'aide de ma tante et de mon oncle. 

Ma grand-mère avait confectionné le burnous de mon père et de mon oncle. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un vêtement de transmission qui protège de la mauvaise augure, accompagne celui qui le porte à affronter les épreuves de la vie. 

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